Sabrina Palumbo

art corps ACT pour Desanorexie

TCA : Renouer avec le corps avec l’ACT et la méditation de Pleine Conscience (Mindfulness)

Les personnes en prise avec un Trouble Alimentaire pensent trouver des solutions à leur mal-être dans l’assiette, dans la lutte avec le corps… Le corps devient une sorte de « ring » où se joue l’expression des souffrances, des non-dits, des tabous, de tout ce qu’on ne parvient pas à dire. Il est utilisé comme moyen d’expression de la souffrance. Qu’il s’agisse de la restriction alimentaire ou des crises de boulimie « le corps est maltraité, mortifié, vidé ou rempli à l’excès, « trop visible » pour la personne ou au contraire « trop invisible ».

Les personnes TCA « pensent » leur corps plutôt qu’elles ne le ressentent, comme un refus d’incarnation. C’est un véritable face à face entre l’esprit et le corps et celui-ci devient objet de contrôle pour parvenir à un résultat digne de l’image qu’elles en ont. Elles construisent une image qui ne correspond pas à ce qu’il est réellement. Cette dissociation psychosomatique est la caractéristique la plus significative des Troubles du Comportement Alimentaire.

Le schéma corporel est différent de l’image corporelle mais pour faire simple disons que dans le contexte des Troubles Alimentaires, le corps est, dans l’immense majorité des cas, perçu comme trop gros, laid, hors norme. Il y a une véritable discordance entre le corps tel qu’il est réellement et le corps tel qu’il est rêvé.

Une image négative du corps revient à avoir une perception déformée de sa silhouette, à avoir honte de soi et se sentir gêné(e) ou anxieux(se) par rapport à son corps. Se sentir inconfortable dans son corps. Pour beaucoup de personnes, le corps est un sujet difficile à aborder.

Dans sondage lancé sur mon compte Twitter en janvier 2022 (Figure 1) près d’un quart des répondants déclarent ne pas aimer ou détester leur corps et dans 40% des cas cela varie en fonction des jours.

Notre humeur influence l’image que nous avons de nous-même. L’acceptation du corps, dans toutes ses imperfections, est un enjeu important pour la guérison d’un Trouble Alimentaire.

Malheureusement, les gens qui ont une image corporelle négative sont davantage susceptibles à développer un trouble de l’alimentation, de souffrir de sentiments dépressifs, d’isolement, d’une faible estime de soi et de tenter de modifier leur apparence physique. Un TCA commence souvent par un souci de perdre ou prendre du poids ou d’augmenter ou réduire sa masse musculaire ou encore par une peur intense d’engraisser.

Dans l’accompagnement des TCA on ne peut faire l’impasse de travailler avec le corps en aidant la personne, petit à petit, à refaire alliance entre son esprit et son corps. Il convient de prendre en compte l’humain dans son intégralité. Il est possible d’aider ces personnes sur leur chemin de guérison en leur montrant/apprenant à s’ancrer, à réhabiter leur corps et développer davantage leur intériorité. Pour cela on pourra faire appel à différents intervenants dans la prise en charge (travail en psychomotricité par exemple). L’approche psychocorporelle permet ainsi aux patient.es atteint.e.s de Troubles du Comportement Alimentaire d’éprouver une moindre sensation de morcellement et de mieux apprivoiser ce corps dans lequel elles ne se reconnaissent pas, mais dont elles sont totalement dépendantes… Les méthodes psychocorporelles basées sur le corps et la Pleine Conscience pour les psycho-traumatismes, ont fait leur preuve. Leur mécanisme d’action est de réintégrer la conscience du corps et d’aller à l’encontre de la dissociation.

À la base de l’accompagnement des Troubles du Comportement Alimentaire, il y a souvent le souhait de retrouver une relation plus saine et plus apaisée avec l’alimentation et une relation à son corps et donc à soi plus respectueuse. Derrière cette demande se trouve souvent le souhait de se sentir aimé.e et aussi d’améliorer ses relations aux autres. Les carences affectives dont grandes. Cette demande est au cœur de l’approche ACT.

La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) est un mélange d’influences formant un tout et une approche spécifique qui fait partie de la troisième vague des thérapies comportementales et cognitives. Elle vise à favoriser ce que l’on appelle la « flexibilité psychologique » au détriment de la rigidité. Le modèle de la flexibilité psychologique représente une approche nouvelle de la santé mentale. Elle a été définie, par le psychologue américain Steven C. Hayes et ses collègues, comme étant « la capacité d’être conscient de ses pensées et sentiments du moment présent (pleine conscience), sans défense inutile, et, sans que cela empêche de poursuivre ses actions dans la poursuite de ses objectifs et de ses valeurs. » C’est donc la capacité à persister ou changer le cours d’une action, même en présence de pensées, sensations et émotions désagréables, afin d’avancer en direction de ce qui est important pour la personne, c’est-à-dire ses valeurs personnelles.

L’ACT entraîne à se distancer ses pensées, émotions, souvenirs qui font souffrir et ainsi à se libérer de la lutte contre les sentiments désagréables. Cette approche invite à (s’)accueillir, apprivoiser les ressentis pour affaiblir leur pouvoir qui freine nos actions. Il s’agit également d’apprendre à harmoniser ses actions avec ses valeurs. Enfin, le fait de ramener l’attention sur l’action procure un sentiment de liberté et de vitalité pour une vie plus riche de sens. En ACT, la question que l’on doit toujours se poser est : « étant donné ce qui est important pour moi dans la vie, que suis-je prêt.e à faire et à ressentir ici et maintenant afin d’avancer dans cette direction? »

L’outil de base en ACT est la Matrice mais je ne vais pas donner trop d’éléments techniques. Les praticiens utilisent aussi les métaphores, des exercices de Pleine Conscience, des observations directes dans différents aspects que l’on retrouve, là aussi, dans un schéma appelé « Hexaflex ». À travers le modèle de la matrice, le but de l’analyse fonctionnelle en ACT est d’apprendre à discriminer entre expérience sensorielle et expérience mentale et entre comportements d’évitement expérientiel et comportements d’approche en phase avec les valeurs. L’objectif global est d’aider les personnes à remettre la souplesse ainsi que la notion de choix là où la maladie, qui a pris le contrôle, dicte les réponses comportementales. L’ACT est une alternative qui permet de se concentrer sur le contrôle de ses actions en phase avec ses buts valorisées : les personnes, les choses importantes pour soi et plus largement nos valeurs les plus profondes. En d’autres termes l’ACT vise à permettre au patient de faire ce qui marche bien pour atteindre ses objectifs. Cette approche concerne donc le choix de sa direction de vie et la manière d’ajuster les voiles lorsque l’on rencontre des vagues ou des tempêtes afin de garder le cap, même en présence d’obstacles. « L’ACT consiste dans le fait de vivre selon nos valeurs. »

L’ACT possède des points communs avec la Mindfulness et insiste sur la validation empirique des principes qui fondent la Mindfulness et sur la documentation de son efficacité par l’expérience clinique. Tout comme la Mindfulness, l’ACT fait appel à la curiosité, à l’esprit du débutant et propose d’observer les évènements psychologiques à plusieurs hauteurs et dans des perspectives différentes. Le « Soi comme contenu » est distinct du « Soi comme contexte » et l’ACT aborde également le concept de soi comme processus.

Cette approche est pragmatique et expérientielle. Quelques séances de coaching ne peuvent suffire pour se libérer complètement d’un TCA qui serait installé depuis de longues années. Cela dépend et de l’intensité du trouble et de sa durée. En revanche il est toujours possible d’aider la personne à devenir ce qu’elle souhaiterait être si le Trouble Alimentaire ne venait entraver ses actions.

« Il est ironique que l’une des rares choses sur lesquelles nous ayons le contrôle soit notre propre attitude, et même en le sachant, que la majorité des personnes vivent leur vie en se comportant comme si elles n’avaient aucun contrôle. »

Jim Rohn

L’instant présent est l’un des six processus au cœur de l’ACT. Le praticien en ATC invite tout naturellement à des moments de pleine présence en recourant aux outils de base de la Mindfulness (et pourquoi pas des expositions longues si l’on est formé). Une grande partie du travail est orientée sur l’engagement vers les valeurs du sujet qui est invité à passer à l’action pour ce qui compte vraiment pour lui (on parle de comportements d’approche) et permettre ainsi au comportement du client (qui était largement sous le contrôle aversif de ses obsessions et de son anxiété) de passer graduellement sous le contrôle « appétitif » de ses valeurs personnelles. L’intérêt thérapeutique du contact avec l’instant présent a été largement observé par Miller, Flechter & Kabat-Zinn en 1995 et Grepmair, Mitterlehner, Loew, Bachler, Rother & Nickel, en 2007 sans savoir exactement de quoi il dépend. Néanmoins, l’apprentissage du contact avec l’instant présent permettrait de développer l’acceptation et l’engagement et peut même constituer une qualité supplémentaire de l’action dans le sens des valeurs.

L’une des différences majeures avec les TCC est que l’ACT s’appuie sur la notion de contexte pour donner un sens au comportement engagé et non pas sur le simple mécanisme de l’apprentissage. « Cette nouvelle approche thérapeutique trouve sa source dans la théorie des cadres relationnels, et dans le contextualisme fonctionnel. »

L’ACT prend également appuie sur la Thérapie des schémas qui se base sur les théories d’apprentissage précoce et de l’attachement inventée par Jeffrey Young et qui permet d’aborder l’estime de soi et l’origine de la honte et de la culpabilité et donc déceler des schémas précoces dysfonctionnels. Un exemple de schéma à l’origine de comportements inadaptés et auto destructeurs pour l’individu car trop rigide et répondant à des injonctions irréalistes : « il faut être parfait.e pour être aimé.e ».  

Des études ont été menées avec ces outils dans le champ de l’application aux TCA, mais leurs résultats ne peuvent les considérer comme des traitements validés, même s’ils montrent des résultats intéressants notamment dans l’hyperphagie boulimique avec une réduction des compulsions. Depuis que Steven Hayes, Strosahl et Wilson ont introduit l’ACT en 1999 il y a eu 268 articles publiés au sujet de l’ACT qui a fait l’objet de nombreuses recherches dans le monde. L’ACT est répertoriée par l’American psychological society et apporterait un niveau de soutien modéré pour les dépressions et élevé pour les douleurs chroniques. Il s’agit donc d’un traitement empiriquement validé.

Pleine Conscience et thérapie ACT aident à garder son esprit clair et développer une stabilité intérieure pour agir vers ses valeurs, tout en dialoguant avec ses émotions. Les actions « valorisées » vont vers les choix de vie essentiels, quelles que soient les émotions qui s’expriment. Ces résultats favorables à ce type d’approche dans le traitement des Troubles des Conduites Alimentaires sont confirmés par une méta analyse publiée en 2018 qui étudie les effets des interventions comportementales de la troisième vague sur les Troubles de l’Alimentation et l’image corporelle.

1 J’arrête de lutter avec mon corps Votre thérapie par l’action – broché – Jean-Christophe Seznec –

2 84 répondants au sondage Twitter du 23 janvier 2022 portant sur l’image corporelle

3 Guide de la matrice ACT [Internet]. De Boeck Supérieur. 2022.

4 ACT : applications thérapeutiques – 2e éd. – Anxiété, phobies, TCA, image de soi, dépression Anxiété, phobies, TCA, image de soi, dépression, burn-out, TOC, thérapies de couple… – broché – Jean-Christophe Seznec –

5 Linardon J, Gleeson J, Yap K, Murphy K, Brennan L. Meta-analysis of the effects of third-wave behavioural interventions on disordered eating and body image concerns: implications for eating disorder prevention. Cogn Behav Ther. 2 janv 2019;48(1):1538

Partager l'article

Articles similaires